À propos de l’événement
CPE Bach (1714-1788), Christoph Schaffrath (1709-1763), Carl Friedrich Christian Fasch (1736-1800)
Johann Georg Lang (1724-1798), Trio de Giuseppe Giordani (1751-1798), Johann Joachim Quantz (1697-1773)
Avec Aline Zylberajch, Philippe Grisvard piano Silbermann 1749, copie Kerstin Schwarz
Johannes Pramsholer violon,
Aurélien Delage piano silberman et traverso
Etienne Mangot Gambetta inglese
Sebastijan Beretta traverso
Programme
Étienne Mangot, gambetta all’inglese
Aline Zylberajch, pianoforte
Johann Georg Lang (1724-1798)
Andante (Sonata gambetta solo con basso)
Christoph Schaffrath (1709-1763)
Largo (Sonate en sol majeur pour viole & clavier obligé)
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Carl Philip Emanuel Bach (1714-1788)
Andante (Sonata per il Cembalo è Viola en sol mineur Wq 88)
Pietro Pompeo Sales (1729-1797)
Cantabile con moto (für gambetta & obligates cembalo)
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Aurélien Delage, traverso
Étienne Mangot, gambetta all’inglese
Aline Zylberajch, pianoforte
Tommaso Giordani (1733-1806)
Sonata opus 30 n°3 en si bémol majeur pour pianoforte, flûte & viole de gambe
Allegro moderato – Allegretto
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Aurélien Delage, pianoforte, Sebastijan Bereta traverso*
Joseph Haydn (1732-1809) :
Largo (sonate Hob.XVI:2)
Johann Joaquim Quantz (1697-1773) :
Sonata per il flauto traverso solo en sol 109 : Presto mà fiero*
Joseph Haydn (1732-1809) :
mouvement sans titre (sonate Hob.XVI:4)
Finale (sonate Hob.XVII:D1)
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Johannes Pramsohler, violon
Philippe Grisvard, pianoforte
Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788)
Sonate en si mineur pour clavecin et violon Wq 76
Allegro moderato
Poco andante
Allegretto siciliano
Résonances et Sympathies
Instruments rares
Le pianoforte de Frédéric II…
Le pianoforte présenté ce soir est une copie d’après un instrument de Gottfried Silbermann, Freiberg 1749, conservé au Germanisches Nationalmuseum de Nuremberg
Son clavier est d’une étendue de presque cinq octaves (Fa0 – mi5)
Sa caisse est en chêne, sa table d’harmonie en épicéa. Il a deux cordes par note.
Il est basé sur la mécanique à marteaux inventée par Bartolomeo Cristofori, avec échappement et attrape-marteau.
Il offre plusieurs possibilités de registres manuels : les étouffoirs peuvent être relevés, tous ensemble ou progressivement. Des barres d’ivoire peuvent être abaissées sur les cordes pour produire un son un peu métallique : c’est le jeu de Pantalon, par analogie à l’instrument développé par Pantalon Hebenstreit
Le registre d’una corda permet en faisant glisser le clavier de côté d’adoucir le jeu en ne laissant que l’une des deux cordes vibrer.
Ces registres peuvent être combinés entre eux, au gré de l’imagination de l’interprète.
Gambetta all’inglese…
« Quand une des cordes est touchée avec l’archet ou pincée, la corde de laiton ou d’acier qui est en dessous résonne per consensum, vibre et tremble, de sorte que le charme de l’harmonie en est pour ainsi dire augmenté et développé. » Michael Praetorius, Syntagma Musicum II, De organographia, 1619
Construite à Andenne en 2019 par François Bodart, après de nombreuses années d’expérimentation sur les violes à cordes sympathiques (baryton à cordes, lyra viol), cette viole appartient à la famille des instruments « d’amour », utilisés depuis le XVIIe siècle par les compositeurs européens, dans la musique religieuse jusqu’à la musique de salon de la fin du XVIIIe siècle. Doté de 15 cordes, cet instrument présente deux jeux : un jeu de viole (six cordes en boyau frottées par l’archet) et un jeu de harpe (9 cordes en acier et en laiton pincées par le pouce de la main gauche). D’une taille intermédiaire entre le « ténor » et la « basse », il est accordé « en sol ». Les cordes sympathiques résonnent par sympathie aux harmonies produites par la mise en vibration du jeu de viole par l’archet, et peuvent être pincées, ce qui augmente les possibilités polyphoniques de l’instrument.
Quelques mots du programme
Les violistes ont, à juste titre, une grande affection pour les sonates de Christoph Schaffrath et CPE Bach. Tous deux actifs à la cour de Frédéric de Prusse, ils ont offert à la viole des œuvres vibrant de la nouvelle sensibilité » qui figurent parmi les derniers chefs d’œuvres dédiés à cet instrument. Cependant des cercles italianisants ont aussi offerts à la viole, et fort tardivement, de belles pages galantes empreintes de la vocalité ultramontaine qui séduit toute l’Europe.
Ainsi, les archives des princes évêques d’Augsburg recèlent des compositions pour Gambetta qui en exploitent tous les registres expressifs. Johann Georg Lang a produit quelques-unes de ces œuvres. Né en Bohême, il étudie à Naples sous la direction de Francesco Durante. Il s’établit plus tard à Augsburg comme Kammermusiker puis Konzertmeister – jusqu’à la fuite de ses maîtres devant les troupes françaises en 1794.
Il a probablement destiné ses sonates aux violistes de la chapelle, réputés pour leur virtuosité. Parmi ceux-ci, Pietro Pompeo Sales compositeur originaire de Brescia, très apprécié de ses contemporains tant pour ses opéras que sa musique sacrée. Le dernier prince, Clemens Wenzeslaus von Sachsen lui-même violiste, lui a donné toute liberté de produire ses œuvres en Europe, jusqu’à Londres où il a donné des concerts de viole en 1776.
Les voyages de Tommaso Giordani, prolifique compositeur dans tous les genres, l’ont conduit de Naples à Dublin via l’Allemagne, les Pays-Bas la France et Londres, où il réside lorsque Sales s’y produit.
Ses sonates opus 30, publiées en 1782, sont indiquées pour flûte ou violon, basse de viole ou alto et clavecin ou piano – choisir des instruments « d’amour » permet de souligner la qualité et l’originalité de leur écriture. John Field figure parmi ses élèves…c’est une toute autre page musicale qui se tourne.
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A la différence de C.P.E. Bach, nous ne savons pas si Joseph Haydn fut intéressé par le Clavecin Royal ou des instruments du même type. En revanche, sa musique fut largement diffusée en Europe, notamment pour un public d’amateurs en recherche de nouveautés. Nous pouvons donc tout à fait imaginer sa musique sonnant à Dresde sur un instrument de Johann Gottlob Wagner.
De même, dans ses premières pièces pour claviers, Haydn est très imprégné de musique italienne, en particulier des oeuvres pour clavier du vénitien Baldassare Galuppi. L’Italie est bien sûr le berceau de la facture de piano-forte. Autour de 1700, Bartolomeo Cristofori invente le piano-forte à Florence. Or, il est intéressant de relever une anecdote vénitienne rapportée par Charles Burney lors de son passage en 1770 dans la Cité des Doges. Il y témoigne de sa rencontre avec le comte de Tour-et-Taxis qui « possède un très curieux instrument à clavier fait à Berlin sur les instructions de S. M. Le roi de Prusse, et qui ressemble par sa forme à un grand clavicorde ; cet instrument a plusieurs registres, qui imitent à volonté la harpe, le luth, le clavecin ou le piano-forte. (…) il préluda pendant assez longtemps et me prouva, par son art de la modulation, qu’il était l’un des meilleurs produits de l’école de Tartini. »
S’agit-il d’un instrument proche du clavecin royal ? Si tel était le cas, un répertoire de plus, et non des moindres, s’offre au claviériste dans la découverte de cet instrument méconnu.
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Melancholicus & Sanguineus : C. F. C. FASCH & C. P. E. BACH
Carl Friedrich Christian Fasch est le fils du célèbre maître de chapelle de Zerbst, Johann Friedrich Fasch. Il entre au service du roi de Prusse Frédéric II en 1756, et partagera le poste de claveciniste de la cour avec Carl Philipp Emanuel Bach pendant plus de dix ans. En plus d’un modèle, il trouve en lui un ami. L’arrivée du jeune musicien à Potsdam coïncide hélas avec le moment où la Prusse s’enlise dans la Guerre de Sept Ans : l’activité musicale à la cour est aussitôt suspendue, plongeant le jeune musicien dans la précarité et la dépression. Au sortir de la guerre, la musique à la cour a quelque peu perdu de son lustre, et l’intérêt du roi pour celle-ci décroit considérablement. Comme de nombreux collègues, Fasch songe à trouver une meilleure position. Le roi refuse de perdre un claveciniste de plus : c’est à Emanuel Bach qu’il accorde (enfin) son congé. Fasch reste à Berlin et se résigne. L’âge d’or de la chapelle de Frédéric est bien révolu, de plus le goût musical du roi vieillissant s’est pétrifié. Sur le plan musical, Berlin ne sera plus la grande rivale des autres Vienne, Londres ou Paris. En dehors de ses fonctions à la cour, de plus en plus symboliques, Fasch se dédie essentiellement à l’enseignement.
Si ses œuvres de jeunesse trahissent l’ascendant de son illustre collègue – comme le Larghetto en mi mineur, l’évolution de son style montre qu’il a su s’en émanciper assez vite et trouver un style très personnel. Fasch, comme tous ses collègues berlinois des années 1760, a particulièrement prisé le genre des pièces de caractères, inspirées par l’univers de Couperin et Rameau ; elles sont autant de miniatures de sensibilité et de mélancolie, véritables joyaux de l’empfindsamkeit, telle L’Antoine, par exemple, jouée ce soir.
La Sonate en si mineur wq.76 (1763) pour clavecin obligé et violon de Carl Philipp Emanuel Bach impressionne par ses dimensions et son caractère. Le premier mouvement, au lieu de faire dialoguer les deux instruments, les oppose dans une sorte de joute, où chacun semble incarner un personnage ou un tempérament, à la manière du Sanguineus & Melancholicus, un de ses célèbres sonates en trio, elle-même inspirée d’une œuvre similaire de Johann Gottlieb Graun. Cette sonate démontre par bien des aspects la qualité extraordinaire et excentrique du langage d’Emanuel Bach, qui lui avait valu – entre autres raisons, l’inimitié du roi. Malheureux dans une cour où l’on n’appréciait pas sa musique, CPE Bach a pu par la suite s’épanouir comme Director Musices à Hambourg. Mais Fasch n’eut pas cette chance, et la composition s’avéra pour lui être une expérience douloureuse : très auto-critique, il brûla une grande partie de sa musique. C’est finalement par le biais de la musique chorale qu’il laissa sa marque au crépuscule du XVIIIe siècle, en fondant la fameuse Sing-Akademie de Berlin, à la tête de laquelle il fut l’un des principaux artisans de la re-découverte de Johann Sebastian Bach.
Kerstin Schwarz
Kerstin Schwarz a suivi une formation de restauratrice d’instruments de musique à la Händel-Haus de Halle et à la Technische Fachhochschule de Berlin, où elle obtient son diplôme en 1994. La même année, elle commence un important travail de recherches organologiques. Elle construit son premier instrument, un piano Cristofori, en 1997. Elle travaille aux côtés du facteur Tony Chinnery à Vicchio près de Florence pendant 17 ans, puis fonde en 2008 sa propre entreprise, Animus Cristophori : elle poursuit ses recherches qui la conduisent à construire, aux côtés de clavicordes, clavecins et épinettes, des instruments très rares : pianoforte Silbermann, clavecin roïal. Elle est régulièrement sollicitée pour la restauration de divers instruments historiques. Depuis 2015, elle a établi son atelier à Zerbst (Allemagne). https://www.animus-cristofori.com